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jeudi 5 novembre 2015
Depuis quelques décennies, les populations de moineaux déclinent dans toutes les métropoles européennes. De récentes études pointent le bruit et l’alimentation comme des facteurs clés de ce déclin.

« En quelques dizaines d’années, le moineau a pratiquement disparu de Londres », s’inquiète Frédéric Angelier, chercheur au Centre d’études biologiques de Chizé (CEBC).1 Le moineau a même été inscrit sur la liste rouge des espèces d’oiseaux menacées au Royaume-Uni. 

Et si ce constat alarmant a été confirmé par d’autres études en Europe, on ne connaît toujours pas les raisons d’un tel déclin. Frédéric Angelier et ses collègues du CEBC2 se sont donc penchés sur ce phénomène. Après avoir mis en évidence le rôle néfaste du bruit urbain, ils démontrent, dans une nouvelle étude publiée en août 2015, que la nourriture urbaine, issue des activités humaines, pourrait contribuer au déclin des moineaux en ville en nuisant à la croissance et à la survie de leurs petits.

Le moineau en ville, une espèce sentinelle menacée

Si le moineau a tiré parti de la présence des hommes depuis des millénaires, le déclin récent des populations laisse penser que cette cohabitation ne se passe plus si bien… Or le moineau est une espèce sentinelle : il sert d’indicateur précoce aux changements environnementaux. L’étudier dans son écosystème, à la ville comme à la campagne, permet d’évaluer l’impact de ces changements. « Le moineau est inféodé au milieu urbain : il dépend des hommes pour son habitat et sa nourriture en ville, indique Frédéric Angelier. Il est de ce fait confronté à toutes les transformations, parfois agressives, de cet environnement. Il nous permet donc de comprendre comment cet environnement peut contraindre la biodiversité urbaine et, dans une certaine mesure, l’homme. » Et le chercheur de préciser qu’en dépit de leurs différences évidentes, hommes et moineaux sont tous deux des vertébrés et partagent à ce titre un fonctionnement général similaire. Étudier les moineaux peut donc nous renseigner sur l’impact de plusieurs facteurs sur la physiologie de l’homme.

La dernière enquête du CEBC a été menée sur trois mois, en 2013, dans la région Poitou-Charentes. Sur cette période, 110 moineaux – 68 adultes et 42 petits – ont été étudiés sur quatre sites : Niort et La Rochelle pour les sites urbains, Villefollet et Villiers-en-Bois pour les sites ruraux. « Cela nous a permis d’avoir une vision générale de l’impact de l’urbanisation sur la taille des moineaux, leur condition physique, leur niveau de stress…, explique Frédéric Angelier. Les oiseaux, capturés au filet, étaient mesurés, pesés, et des prises de sang étaient effectuées. Ils étaient ensuite relâchés quasi immédiatement sur le site de capture sans conséquences néfastes pour eux. »

Plus précisément, les chercheurs ont mesuré sur leur échantillon de moineaux les réserves de graisse et de muscle, la taille du bec, des pattes et des ailes, et aussi l’hématocrite et le taux de corticostérone, l’hormone de stress. Et les résultats obtenus sont étonnants.

Un appétit de moineau : l’alimentation en cause

« Notre étude démontre que les individus urbains ont une plus petite taille, ce qui suggère très fortement un développement non optimal en milieu urbain. De plus, nous avons également montré que les juvéniles étaient plus gras que leurs congénères ruraux, suggérant des différences alimentaires importantes qui pourraient expliquer ce développement moins optimal », explique Frédéric Angelier.

Le manque d’insectes, riches en protéines, en ville pourrait être l’une des principales causes du déclin des moineaux.

En ville, l’alimentation des moineaux serait en effet trop riche en glucides et trop pauvre en protéines. Les moineaux sont très opportunistes et consomment tout aliment disponible à portée de bec. Bien que granivores, ils ont besoin d’insectes pour leur apport en protéines et, pour pallier ce manque en milieu urbain, les moineaux se reporteraient sur des aliments issus des activités humaines. « Si l’alimentation urbaine présente des avantages, notamment en hiver, lorsque les réserves de graines sont au plus bas, le manque d’insectes, riches en protéines, en ville pourrait être l’une des principales causes du déclin des moineaux », avance Frédéric Angelier. Cette nourriture carencée a un impact non négligeable sur l’état nutritionnel et physiologique des moineaux et de leurs petits.

Et pourrait avoir indirectement des conséquences sur le développement des oisillons, qui n’auraient pas d’apport suffisant en protéines, mais aussi sur la fertilité des adultes : au moment de la reproduction, les conditions physiques des moineaux seraient moins performantes.

Un milieu urbain très contraignant

Mais l’alimentation est-elle seule responsable ? « Il faut rester prudent à ce niveau, pondère Frédéric Angelier. Les raisons peuvent être multiples. Le milieu urbain est très complexe et caractérisé par de nombreux facteurs, comme la nourriture, bien sûr, mais aussi la pollution atmosphérique, l’abondance de lumière artificielle, les ondes électromagnétiques ou encore le bruit. » La pollution sonore a justement fait l’objet d’une étude antérieure réalisée par la même équipe. Selon celle-ci, le brouhaha quasi omniprésent des villes viendrait perturber le chant des volatiles et aurait des conséquences importantes sur le comportement des moineaux et le développement des poussins. Dans le vacarme urbain, les moineaux sont incapables de trouver un partenaire de bonne qualité. Par ailleurs, les parents moineaux prennent la fuite de manière précoce – ce bruit continu augmentant leur vigilance –, notamment pour compenser leur moins bonne perception auditive des menaces approchant dans leur environnement. Cette adaptation accroît certes les chances de survie des parents, mais elle diminue celle des poussins. Ils ne peuvent pas toujours les entendre et les nourrir quand il faut… « Il est probable que la conjugaison de tous ces facteurs puisse dépasser la capacité d’ajustement et/ou d’adaptation des organismes urbains, expliquant leur déclin récent », conclut le chercheur.

Une vaste étude sur le déclin des moineaux, à plus grande échelle, en collaboration avec le Muséum national d’Histoire naturelle3 et la Ligue de protection des oiseaux d’Île-de-France est en cours. Cette enquête en est actuellement à sa 13e vague d’observation annuelle. Pour l’équipe du CEBC, elle permettra de confirmer leurs résultats à une échelle nationale : plus de 30 sites sont concernés et plus de 900 moineaux ont été capturés. Les conclusions sont attendues pour le printemps prochain. Selon Frédéric Angelier, « pour pouvoir proposer des actions de sensibilisation, il apparaît essentiel d’identifier non seulement les facteurs environnementaux qui affectent ces populations, mais également d’étudier les mécanismes physiologiques qui permettent à ces populations de s’ajuster à ces changements ou non. Dans cette optique, aborder une approche multidisciplinaire qui lie écologie et physiologie s’avère indispensable. »

Notes
1. Unité CNRS/Univ. de la Rochelle.
2. Alizée Meillère, François Brischoux et Charline Parenteau.
3. CRBPO, Dr Pierre-Yves Henry.

Source © CNRS



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