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samedi 14 février 2015
Selon le rapport de l’Agence régionale de santé, la pollution de la nappe de la craie par les nitrates d’origine agricole se poursuit, et pose des enjeux contradictoires à court et long terme.

Turbidité, nitrates, pesticides, polluants d’origine industrielle. Comme chaque année, l’Agence régionale de santé (ARS) a publié fin 2014 son rapport sur la qualité des eaux distribuées en Haute-Normandie en 2013, et aborde ces quatre classes de molécules qui se diffusent dans les nappes souterraines. La poursuite de la dégradation de la qualité de l’eau de la nappe par les nitrates agricoles marque cette livraison du rapport de l’agence, disponible gratuitement sur son site Internet.

DANS LE PAYS DE CAUX

L’année 2013, pour les seuls nitrates, ne s’est pas démarquée des années précédentes : les concentrations ont continué d’augmenter dans la nappe de la craie, profonde et d’où est tirée l’eau qui coule dans les robinets des Haut-Normands. Les teneurs moyennes les plus importantes se localisent dans le sud de l’Eure et dans le pays de Caux. En 2013, 51,4 % de la population haut-normande a consommé une eau dont la concentration en nitrates était comprise entre 25 et 40 mg par litre, sachant que la norme maximale est fixée à 50 mg/l. Mais cette proportion est à lire en comparaison des années précédentes : depuis 2004, la population recevant de l’eau contenant entre 25 et 40 mg de nitrates par litre ne cesse d’augmenter, en 2004 un peu plus de 40 % de la population régionale était comprise dans cette tranche. Cette augmentation constante s’observe depuis les années 1970 dans les grands aquifères du Bassin parisien 

En 2013, peut-on lire dans le rapport de l’ARS, 23 500 habitants de la région, habitant principalement dans le sud de l’Eure, ont été « alimentés par une eau non conforme en nitrates de façon récurrente ».

RESTAURER LA RESSOURCE

Les collectivités distribuant de l’eau qui dépasse ponctuellement la norme peuvent bénéficier d’une dérogation de la part du préfet, mais doivent mettre en place un programme d’actions, auprès des agriculteurs essentiellement, pour restaurer la ressource. Cette restauration peut aussi être atteinte par l’ouverture de stations de traitement spécial des nitrates, au fonctionnement coûteux, comme cela s’est fait à Criquetot-l’Esneval en 2013 et à Fauville-en-Caux l’an dernier. 

Mais, pointent les auteurs de l’étude, « ces solutions curatives à court terme ne résolvent pas le problème de la lente dégradation continue de la qualité de la nappe de la craie ». Ces derniers signalent par ailleurs l’abandon de quatre captages d’eau potable dans l’Eure en raison de leur teneur en nitrates élevée.

Ce transfert de nitrates d’origine agricole s’opère par infiltration lente au travers des sols et de la craie, et rapide lorsqu’elle s’effectue par les bétoires, ces ouvertures karstiques typiques de la craie qui conduisent directement les eaux de ruissellement à la nappe profonde. Un phénomène caractérisé par son inertie forte et qui fait dire à Anne Gérard, spécialiste en hydrologie à l’ARS, que « l’on paie actuellement les erreurs commises il y a vingt ans » en termes d’usage trop intensif des apports d’azote en agriculture. Voilà de quoi compliquer encore le travail engagé par les pouvoirs publics et les agriculteurs pour limiter les pollutions par les nitrates, tiraillé entre des phénomènes hydrologiques qui placent l’action dans un long terme et des facteurs, économiques notamment, qui ont une influence à court terme sur le comportement des agriculteurs.

Autrement dit, l’appel sur le marché international de blés riches en protéines incite les producteurs à maintenir, voire augmenter leur apport d’azotes sur céréales, tandis que les effets d’une baisse de la fertilisation ne se fera sentir que dans plusieurs années dans la nappe.

Arrêter le transfert de nitrates

Si les actions pour limiter la pollution des aquifères par les nitrates sont connues, elles doivent être engagées sur le long terme pour être efficaces.

En 2009, le Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement de la Seine (Piren-Seine) publiait un fascicule très instructif sur la pollution du Bassin de la Seine par les nitrates, encore disponible sur son site Internet aux côtés d’autres publications mêlant pédagogie et recommandations. 

Depuis les années 1970, apprend-on dans le document, l’évolution des concentrations en nitrates dans l’ensemble des trois grands aquifères du bassin de la Seine (Craie, Eocène et Oligocène), principales réserves d’eau potable, montre une « augmentation régulière, remarquablement continue et quasi-linéaire, des concentrations en nitrates sur près de trente années ».

Ainsi, l’augmentation de la valeur médiane des concentrations en nitrates mesurées dans le bassin de la Seine est en moyenne de 0,64 mg/l/an depuis le milieu des années 1970... Des nitrates dont les auteurs rappellent la dangerosité, une fois transformés en nitrites dans le tube digestif.

On trouve naturellement de l’azote dans les sols, provenant de la fixation de l’azote atmosphérique par certaines plantes comme les légumineuses. Celui-ci est assimilé par les plantes et s’intègre dans la matière organique dont la décomposition fournit des nitrates. En l’absence de fertilisation, expliquent les auteurs du fascicule, « la concentration ‘’ naturelle ‘’ en nitrates des eaux souterraines est estimée entre 5 et 25 mg/l (NO3), une valeur courante moyenne de 10 mg/l étant généralement admise ».

Mais depuis la création des engrais industriels de synthèse, les intrants agricoles sont venus considérablement amplifier les teneurs en azote apportés au sol. « Si la majorité de cet azote est consommée par les plantes », indique le fascicule, une partie est lessivée par l’eau de pluie et rejoint les cours d’eau, quand une autre s’infiltre vers les nappes souterraines. Or, en France, selon un bilan du ministère chargé de l’Agriculture, « la différence entre azote apporté et azote effectivement consommé, est passée de 320 000 tonnes en 1995 à 400 000 tonnes en 1997 ». Dans la course au rendement, avec des engrais relativement peu chers, les agriculteurs ont parfois augmenté les doses pour être sûrs d’atteindre le rendement potentiel de leur sol et de la variété, au risque de perdre de l’azote inutilement.

Si la mise en place de cultures intermédiaires pièges à nitrates ou encore de bandes enherbées de ce type de cultures permet, selon l’équipe de Piren-Seine, de diminuer « immédiatement et sensiblement (de 25 à plus de 50 %) les flux d’azote susceptibles d’être lessivés vers les cours d’eau ou les formations aquifères », l’inertie propre des aquifères « limite fortement leur efficacité à court terme. » Cette inertie diminue « l’efficacité immédiate des mesures agro-environnementales sur l’état de pollution global des grands aquifères du bassin, les effets ne pouvant être sensibles que plusieurs années (voire dizaine d’années) après la mise en place de ce type de mesure », poursuivent-ils.

La seule solution envisageable est d’inscrire les diverses actions dans le long terme. 

Source  © Christophe Trehet / Paris Normandie






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