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mardi 25 août 2015
Tous les signaux sont au rouge vif. Les records de chaleur sont battus. À cause du réchauffement, les mers du globe présentent des symptômes inquiétants…

Juillet fut le mois le plus chaud dans l'année la plus chaude depuis 136 ans : +0,81°C sur les sept premiers mois de 2015 par rapport à la moyenne du XXe siècle, selon l'Agence américaine océanique et atmosphérique. 

Au cœur de ce réchauffement : les océans. Occupant 70% de la surface du globe, ils sont essentiels pour réguler le climat, mais sont aussi les premières victimes quand la machine s'emballe. Ils se réchauffent de 0,1 à 0,2°C par décennie. 

"Cela semble peu, mais c'est beaucoup", avertit Françoise Gaill, directrice de l'institut Écologie et environnement du CNRS. Or les océans sont les grands absents des négociations de la 21e Conférence sur le changement climatique (COP21), prévue à Paris le 30 novembre. "Le problème, c'est que l'océan n'appartient à personne!", regrette cette spécialiste, par ailleurs coordinatrice du comité scientifique de la plate-forme "Océan et climat", une structure créée pour sonner l'alarme. Leur appel de l'océan, lancé en juin, a déjà recueilli 15.000 signatures. Il reste 100 jours pour convaincre.

Un régulateur à bout de souffle

L'océan? "Une grande lessiveuse, résume Françoise Gaill. Il régule la machine climatique, l'ensemble des échanges thermiques avec l'atmosphère, brasse tous les éléments chimiques de la Terre. C'est 97% de notre eau!" L'océan "lisse" aussi les évolutions climatiques. "Leurs eaux chauffent avec retard par rapport aux émissions de gaz à effet de serre. Il faut une à plusieurs décennies pour que la température monte. Mais une fois la chaleur accumulée, le refroidissement est également long", ajoute le climatologue et expert du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) Hervé Le Treut. Or les eaux chaudes amplifient les phénomènes météo extrêmes : canicules, sécheresses, ou cyclones plus puissants, c'est "une des manières qu'a l'océan de se débarrasser de sa chaleur", poursuit Hervé Le Treut. Avec ce réchauffement, il y a un risque d'impact sur la fréquence et l'intensité d'El Niño, qui semble de retour en 2015.

Un autre rôle-clé de l'océan est aussi mis à rude épreuve : il absorbe 30% du CO2 que nous émettons. Cela réduit l'effet de serre. Mais la durée de vie des gaz à effet de serre dans l'atmosphère est longue, et l'homme alimente ce cycle en permanence. L'océan peut-il saturer? "Tôt ou tard, les puits de carbone seront abîmés et menacés. Des signes montrent que cela pourrait avoir débuté dans les forêts tropicales." Si l'océan n'absorbait plus de CO2, la vie disparaîtrait.

Une acidification exponentielle

Revers de la médaille, en filtrant le CO2, l'océan devient de plus en plus acide : +30% depuis 1850. Les régions les plus touchées sont les plus chaudes : le nord de l'océan Indien et l'est du Pacifique. Les lanceurs d'alerte? Les récifs coralliens, où vivent un tiers des animaux marins et qui sont déjà atteints. "Les coraux perdent les algues qui vivent dans leurs tissus, ils blanchissent et, si le stress persiste, meurent. On l'observe dans la Grande barrière, aux Caraïbes, en Floride, aux Maldives, aux Seychelles", détaille le spécialiste Jean-Pierre Gattuso, du laboratoire d'océanographie de Villefranche (CNRS/UPMC).

Pour évaluer les conséquences de l'acidification, il a testé deux scénarios. Sous le seuil d'une hausse de 2°C, l'impact sera important sur les récifs coraliens mais modéré sur les autres écosystèmes. Mais dans le scénario du bizness as usual ("on ne change rien"), l'acidité triplerait d'ici à 2100!

«Nous avons changé la chimie de l'eau de mer en un temps bien plus court, deux cents ou trois cents ans»

Pour avoir une photo réaliste des effets, l'équipe a étudié ce qui se passe autour de sources naturelles de CO2. C'est le cas à Ischia, en face de Naples (Italie), où des sources liées à l'activité volcanique du Vésuve sont actives depuis trois mille ans. Que voit-on? "30% des espèces ont disparu! Les mollusques, les crustacés à coquille, les algues calcaires. Alors que le phénomène dure depuis des siècles, elles n'ont pas réussi à s'adapter. Or nous avons changé la chimie de l'eau de mer en un temps bien plus court, deux cents ou trois cents ans." Cette "photo sur le futur" est d'autant plus alarmante qu'elle ne tient pas compte du réchauffement prévu. Or "dès que chaleur et acidification sont combinées, on a des extinctions massives : il y a 250 millions d'années, 95% des espèces marines ont disparu."

Une ruée vers les pôles

"C'est dans l'océan que la vie est née et s'est complexifiée, et qu'elle continue à le faire", rappelle Éric Karsenti, de la mission Tara Océans. En récoltant des micro-organismes partout sur le globe, "on a montré que le plus important paramètre pour la composition de l'eau en bactéries, c'est la température. Or ce sont ces milliards de bactéries qui recyclent l'océan et contrôlent son état chimique et physique". Pour s'adapter, on voit aujourd'hui des espèces et des poissons des mers du Sud, barracudas ou mérous, évoluer sur la rive nord de la Méditerranée ; ou des morues remonter vers le Groenland.

Les poséidonies, des algues vivant entre la surface et 40 m de profondeur, seraient "vouées à disparaître en Méditerranée, coincées faute de pouvoir migrer vers le nord", selon une étude citée par Jean-Pierre Gattuso.

«Les poissons et les pêcheries des zones tropicales et tempérées vont se déplacer vers les eaux fraîches du Nord»

Des vagues de chaleur extrême, comme en 2003, ont déjà entraîné une hécatombe de gorgones et d'autres invertébrées… A terme, le bouleversement serait généralisé. L'aquaculture des mollusques deviendrait impossible, l'océan devenant "corrosif" pour les mollusques à coquilles, les huîtres, les moules. "Les poissons et les pêcheries des zones tropicales et tempérées vont se déplacer vers les eaux fraîches du Nord (Norvège, Islande) et la diversité s'appauvrir dans les zones tropicales et intertropicales", résume Jean-Pierre Gattuso. Ce serait la ruée vers les Pôles et les profondeurs… avec une forte sélection naturelle.

Des zones sans oxygène

Des zones d'eau sans oxygène, en voie de désertification, c'est ce qu'ont observé les chercheurs de Tara Océans, dans le nord de l'océan Indien et l'est du Pacifique, entre 100 et 500 m de profondeur. "C'est très inquiétant. Dans ces zones, il n'y a plus d'animaux, juste quelques bactéries. L'écosystème change et c'est un peu irréversible. Plus il fait chaud, plus les bactéries prolifèrent et désoxygènent…", résume Éric Karsenti, directeur scientifique de la mission.

Tout poisson qui y passe meurt. "Selon les relevés récents d'une chercheuse américaine, y compris près des côtes, ces zones s'étendent gravement : elles auraient été multipliées par dix en une décennie, ajoute Françoise Gaill. Si on combine la hausse de la température, l'acidification et l'absence d'oxygène, la mer Méditerranée sera peut-être morte d'ici à la fin du siècle." A-t-on atteint un point critique? Impossible à dire. L'océan reste méconnu : seules 250.000 espèces sont identifiées, soit 10% de leur nombre supposé. Dans la zone entre 100 et 600 m de profondeur, la mission Tara Océans a échantillonné 80% de bactéries inconnues…

Le niveau monte

«Il monte de 3,5 mm par an et cela a beaucoup de chances de s'accentuer»

Le niveau des océans a monté de 19 cm entre 1901 et 2010 et pourrait se hausser de 28 cm à 100 cm d'ici à la fin du siècle. "Il monte de 3,5 mm par an et cela a beaucoup de chances de s'accentuer, note Hervé Le Treut. Ce relèvement est dû, pour une petite moitié, à la dilatation des océans à cause de la chaleur. L'autre part, à la fonte des glaciers continentaux et polaires qui risque de s'accélérer." Les conséquences? La disparition des petites îles ; l'inondation de deltas de fleuves (Gange, Nil ou Mékong) et de littoraux très peuplés ; des tempêtes pénétrant plus loin dans les terres ; des millions de réfugiés contraints à l'exil. Pour Jean-Pierre Gattuso, "penser qu'on est déconnectés des océans parce qu'on vit au milieu des terres est une grave erreur. Nous y sommes tous reliés".


Source © Juliette Demey /  Le Journal du Dimanche




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