...
lundi 20 janvier 2014
13:59
Au fin fond des campagnes françaises, des éleveurs s’emploient à sauver des races en voie de disparition: poules, vaches ou cochons que l’agriculture intensive avait abandonnés. Et c’est ainsi que des boeufs de race millénaire réapparaissent dans les prés du Sud-Ouest.
Sur les coteaux de Beaumarchès (Gers), quatre grands boeufs blancs se partagent une immense prairie vallonnée. Épaules puissantes, robe nacrée, ils sont issus d’une race rustique « très ancienne, arrivée avec les invasions Wisigoths, 400 ans après Jésus-Christ », raconte leur éleveur, Christophe Masson, citant les « très sérieux travaux de recherches » menés par des étudiants de l’École normale supérieure (ENS).
Depuis un siècle, ces bovins de race mirandaise se sont considérablement raréfiés dans le paysage du Gers.
« Dans les années 1900, il y en avait 180.000 dans le département. Il n’en reste que 350. Certains éleveurs n’en ont plus que deux ou trois à l’étable: on les appelle les collectionneurs », explique Christophe Masson.
Avec sa femme Stéphanie et un jeune associé, l’agriculteur de 42 ans gère à Beaumarchés « la Ferme des quatre grâces » dont le nom résume l’ambition: remettre à l’honneur les races oubliées de la « poule gasconne », de « l »oie de Toulouse », du « porc noir de Bigorre » et du « boeuf nacré de Gascogne ».
Robustes, adaptés aux coteaux gersois, ses boeufs passent toute l’année dehors, eux qui se plaisent à la température idéale de trois degrés. Et, comme naguère, ils ne sont engraissés qu’à l’herbe et « finis » à la légumineuse fourragère – trèfle, luzerne ou lotier. « On fait redécouvrir aux paysans eux-mêmes que le bovin est un herbivore », dit sans malice M. Masson, qui refuse farines et ensilage de maïs.
Arpentant leurs près vallonnés, Stéphanie et Christophe Masson font volontiers « l’éloge de la lenteur ». Leurs « boeufs nacrés » mettront plus de quatre années à atteindre leur taille adulte et ne seront « sacrifiés » qu’à cinq.
« Cette lenteur, c’est une difficulté pour se lancer », admet M. Masson. L’autre difficulté de l’aventure reste la production limitée: les six éleveurs de « boeuf nacré » installés à ce jour dans le département ne livrent, pour l’instant, qu’une vingtaine de carcasses par an. Une partie s’en va chez des restaurateurs et des particuliers du Gers, l’autre part à Paris, à la boucherie « Terroirs d’avenir » rue du Nil.
Dans le centre-ville d’Auch, le chef du restaurant Le Bartok, Julien Guichard, parle d’ »une viande rare dans tous les sens du termes », lui qui ne cuisine le « boeuf nacré » qu’en fonction des arrivages.
« Les bêtes s’imprègnent de la pairie en toutes saisons. Quand vous mangez leur viande, vous avez l’impression de brouter le pré! », assure ce cuisinier de 33 ans.
Dans tout le pays, seize races de bovins d’origine française sont ainsi « en conservation », pour ne pas risquer de disparaître.
Dès les années 1950, l’agriculture de plus en plus intensive avait commencé à sélectionner les races aux plus forts rendements, en écartant les animaux à croissance lente, même les mieux adaptés au territoire, rappelle François-Xavier Laborde, animateur du Conservatoire du patrimoine biologique régional de Midi-Pyrénées, à Toulouse.
Actif depuis 20 ans, le Conservatoire a pour credo d’ »assurer la conservation par la production » dans les fermes. Sinon, « quand il n’y a que des collectionneurs de poules, il suffit d’un renard et c’est fini », résume M. Laborde.
La région subventionne une douzaine de projets. Et la filière du « porc noir de Bigorre » est l’une des plus belles réussites: « il ne restait au tout début (du projet) qu’un seul mâle et quelques femelles de cette race du porc gascon mais elle est désormais sauvée avec 1.300 femelles reproductrices ».
Pour les bovins de race mirandaise, 2014 s’annonce bien: « on va installer deux nouveaux agriculteurs qui ne feront que de l’engraissement de boeuf nacré dans le Gers », annonce M. Masson.
Le 19 janvier, les éleveurs ont prévu de monter à Paris, pour griller des plats de cote dans la rue et expliquer leur démarche. Ils raconteront volontiers la vie de boeufs heureux, toujours dehors, à manger de l’herbe.
© AFP
Sur les coteaux de Beaumarchès (Gers), quatre grands boeufs blancs se partagent une immense prairie vallonnée. Épaules puissantes, robe nacrée, ils sont issus d’une race rustique « très ancienne, arrivée avec les invasions Wisigoths, 400 ans après Jésus-Christ », raconte leur éleveur, Christophe Masson, citant les « très sérieux travaux de recherches » menés par des étudiants de l’École normale supérieure (ENS).
Depuis un siècle, ces bovins de race mirandaise se sont considérablement raréfiés dans le paysage du Gers.
« Dans les années 1900, il y en avait 180.000 dans le département. Il n’en reste que 350. Certains éleveurs n’en ont plus que deux ou trois à l’étable: on les appelle les collectionneurs », explique Christophe Masson.
Avec sa femme Stéphanie et un jeune associé, l’agriculteur de 42 ans gère à Beaumarchés « la Ferme des quatre grâces » dont le nom résume l’ambition: remettre à l’honneur les races oubliées de la « poule gasconne », de « l »oie de Toulouse », du « porc noir de Bigorre » et du « boeuf nacré de Gascogne ».
Robustes, adaptés aux coteaux gersois, ses boeufs passent toute l’année dehors, eux qui se plaisent à la température idéale de trois degrés. Et, comme naguère, ils ne sont engraissés qu’à l’herbe et « finis » à la légumineuse fourragère – trèfle, luzerne ou lotier. « On fait redécouvrir aux paysans eux-mêmes que le bovin est un herbivore », dit sans malice M. Masson, qui refuse farines et ensilage de maïs.
Arpentant leurs près vallonnés, Stéphanie et Christophe Masson font volontiers « l’éloge de la lenteur ». Leurs « boeufs nacrés » mettront plus de quatre années à atteindre leur taille adulte et ne seront « sacrifiés » qu’à cinq.
« Cette lenteur, c’est une difficulté pour se lancer », admet M. Masson. L’autre difficulté de l’aventure reste la production limitée: les six éleveurs de « boeuf nacré » installés à ce jour dans le département ne livrent, pour l’instant, qu’une vingtaine de carcasses par an. Une partie s’en va chez des restaurateurs et des particuliers du Gers, l’autre part à Paris, à la boucherie « Terroirs d’avenir » rue du Nil.
Dans le centre-ville d’Auch, le chef du restaurant Le Bartok, Julien Guichard, parle d’ »une viande rare dans tous les sens du termes », lui qui ne cuisine le « boeuf nacré » qu’en fonction des arrivages.
« Les bêtes s’imprègnent de la pairie en toutes saisons. Quand vous mangez leur viande, vous avez l’impression de brouter le pré! », assure ce cuisinier de 33 ans.
Dans tout le pays, seize races de bovins d’origine française sont ainsi « en conservation », pour ne pas risquer de disparaître.
Dès les années 1950, l’agriculture de plus en plus intensive avait commencé à sélectionner les races aux plus forts rendements, en écartant les animaux à croissance lente, même les mieux adaptés au territoire, rappelle François-Xavier Laborde, animateur du Conservatoire du patrimoine biologique régional de Midi-Pyrénées, à Toulouse.
Actif depuis 20 ans, le Conservatoire a pour credo d’ »assurer la conservation par la production » dans les fermes. Sinon, « quand il n’y a que des collectionneurs de poules, il suffit d’un renard et c’est fini », résume M. Laborde.
La région subventionne une douzaine de projets. Et la filière du « porc noir de Bigorre » est l’une des plus belles réussites: « il ne restait au tout début (du projet) qu’un seul mâle et quelques femelles de cette race du porc gascon mais elle est désormais sauvée avec 1.300 femelles reproductrices ».
Pour les bovins de race mirandaise, 2014 s’annonce bien: « on va installer deux nouveaux agriculteurs qui ne feront que de l’engraissement de boeuf nacré dans le Gers », annonce M. Masson.
Le 19 janvier, les éleveurs ont prévu de monter à Paris, pour griller des plats de cote dans la rue et expliquer leur démarche. Ils raconteront volontiers la vie de boeufs heureux, toujours dehors, à manger de l’herbe.
© AFP
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