...
jeudi 27 novembre 2014
13:30
L’Ours polaire, espèce menacée. L’affirmation semble une évidence. Le réchauffement climatique provoque la fonte des glaces, qui prive l’espèce d’une bonne partie de son habitat.
Dans la revue PLoS One du 27 octobre, une équipe de l’université de l’Alberta va nettement plus loin. Dates et chiffres à l’appui, elle annonce que, si rien n’est fait d’ici la fin du siècle, l’animal culte pourrait franchir un « point de non-retour » qui conduira à son extinction.
Du poisson au caribou, du morse au narval, rien de ce qui vit sur la glace ou dans l’eau n’est à l’abri de l’instinct prédateur du colosse à fourrure blanche. Mais son énergie, l’ours la tire d’une source essentielle, presque unique : le phoque. Et plus particulièrement de la graisse du mammifère marin, beaucoup plus riche en calories que la viande. « Sans elle, il lui est impossible de vivre dans les conditions extrêmes du grand nord », explique le biologiste Stephen Hamilton, premier signataire de l’étude.
Entre les deux espèces, le petit jeu est bien rodé. Pour éviter l’ours, le phoque plonge sous la banquise. Pour attraper le phoque, l’ours attend que celui-ci remonte à la surface respirer dans les trous formés dans la glace. Que ces derniers s’élargissent et le phoque triomphe. « Il n’est pas idiot : il va là où l’ours ne peut pas l’attraper », sourit le Pr Andrew Derocher, cosignataire de l’étude et spécialiste mondial de l’animal.
Or c’est bien de cela qu’il s’agit : de la proportion et de l’épaisseur de la glace de mer. Les chercheurs se sont penchés sur l’archipel arctique canadien. Un territoire rassemblant un quart des quelque 25 000 individus estimés dans le monde, jusqu’ici considérés comme le plus à l’abri du réchauffement. Cette immense « réserve », ils l’ont scindée en sept zones, elles-mêmes découpées en « pixels ». Puis ils ont fait tourner les modèles climatiques.
Chaque fois, ils ont choisi des hypothèses « conservatrices ». Ainsi, ils ont supposé que, d’ici à 2100, le réchauffement pourrait atteindre 3,5 °C au pôle, loin des prévisions les plus pessimistes. Puis ils ont simulé l’évolution, mois par mois, de trois paramètres : la « concentration en glace de mer », autrement dit la proportion de surface gelée ; l’épaisseur de la couche de glace et celle de la couche de neige.
Du premier paramètre, on l’a compris, dépend la capacité de l’ours à chasser. Le deuxième lui offre sa stabilité en période de gel ou de débacle. Quant au troisième, il apparaît aussi essentiel, car c’est dans les paquets de neige que les phoques annelés – les préférés des ours, avec leurs cousins « barbus » – creusent leurs abris.
Or, d’ici à 2100, tous les voyants seront au rouge. Alors qu’aujourd’hui aucune partie de l’archipel ne connaît de période sans glace, celles-ci dureront plus de cinq mois dans quatre des sept secteurs -deux à quatre mois dans les trois autres. Même effondrement pour l’épaisseur de la glace (divisée par deux à cinq, suivant les secteurs) et celle de la couche de neige (divisée par deux à trois, en moyenne).
Ces conditions pourraient conduire à « affamer » 20 % des mâles, indique l’étude. Mais les femelles et les petits souffriront plus encore. En effet, après l’accouplement, au printemps, les femelles s’installent sur la terre ferme, jusqu’à la naissance de leur portée, au printemps suivant. Pendant toute cette période, elles ne s’alimentent pas. Que la débacle survienne trop tôt et elles renonceront à s’accoupler, faute de réserves énergétiques suffisantes. Que le regel intervienne trop tard et elles ne pourront ni chasser, ni se nourrir, ni alimenter les oursons.
Disparaître ou s’adapter ? En réalité, il n’y a pas d’alternative, soulignent les chercheurs. « Une espèce n’est pas comme un individu, insiste Stephen Hamilton. Il lui faut le temps nécessaire à la transmission de nouveaux traits génétiques. Là, le changement qui s’annonce est beaucoup trop brutal. » Le sud de la Suède est là pour le rappeler : lors du dernier âge glaciaire, des ours polaires y vivaient encore sur les bords de la Baltique. Avec le réchauffement, cette population a dû mettre cap au nord.
Source © Le Monde
Dans la revue PLoS One du 27 octobre, une équipe de l’université de l’Alberta va nettement plus loin. Dates et chiffres à l’appui, elle annonce que, si rien n’est fait d’ici la fin du siècle, l’animal culte pourrait franchir un « point de non-retour » qui conduira à son extinction.
Du poisson au caribou, du morse au narval, rien de ce qui vit sur la glace ou dans l’eau n’est à l’abri de l’instinct prédateur du colosse à fourrure blanche. Mais son énergie, l’ours la tire d’une source essentielle, presque unique : le phoque. Et plus particulièrement de la graisse du mammifère marin, beaucoup plus riche en calories que la viande. « Sans elle, il lui est impossible de vivre dans les conditions extrêmes du grand nord », explique le biologiste Stephen Hamilton, premier signataire de l’étude.
Entre les deux espèces, le petit jeu est bien rodé. Pour éviter l’ours, le phoque plonge sous la banquise. Pour attraper le phoque, l’ours attend que celui-ci remonte à la surface respirer dans les trous formés dans la glace. Que ces derniers s’élargissent et le phoque triomphe. « Il n’est pas idiot : il va là où l’ours ne peut pas l’attraper », sourit le Pr Andrew Derocher, cosignataire de l’étude et spécialiste mondial de l’animal.
Or c’est bien de cela qu’il s’agit : de la proportion et de l’épaisseur de la glace de mer. Les chercheurs se sont penchés sur l’archipel arctique canadien. Un territoire rassemblant un quart des quelque 25 000 individus estimés dans le monde, jusqu’ici considérés comme le plus à l’abri du réchauffement. Cette immense « réserve », ils l’ont scindée en sept zones, elles-mêmes découpées en « pixels ». Puis ils ont fait tourner les modèles climatiques.
Chaque fois, ils ont choisi des hypothèses « conservatrices ». Ainsi, ils ont supposé que, d’ici à 2100, le réchauffement pourrait atteindre 3,5 °C au pôle, loin des prévisions les plus pessimistes. Puis ils ont simulé l’évolution, mois par mois, de trois paramètres : la « concentration en glace de mer », autrement dit la proportion de surface gelée ; l’épaisseur de la couche de glace et celle de la couche de neige.
Du premier paramètre, on l’a compris, dépend la capacité de l’ours à chasser. Le deuxième lui offre sa stabilité en période de gel ou de débacle. Quant au troisième, il apparaît aussi essentiel, car c’est dans les paquets de neige que les phoques annelés – les préférés des ours, avec leurs cousins « barbus » – creusent leurs abris.
Or, d’ici à 2100, tous les voyants seront au rouge. Alors qu’aujourd’hui aucune partie de l’archipel ne connaît de période sans glace, celles-ci dureront plus de cinq mois dans quatre des sept secteurs -deux à quatre mois dans les trois autres. Même effondrement pour l’épaisseur de la glace (divisée par deux à cinq, suivant les secteurs) et celle de la couche de neige (divisée par deux à trois, en moyenne).
Ces conditions pourraient conduire à « affamer » 20 % des mâles, indique l’étude. Mais les femelles et les petits souffriront plus encore. En effet, après l’accouplement, au printemps, les femelles s’installent sur la terre ferme, jusqu’à la naissance de leur portée, au printemps suivant. Pendant toute cette période, elles ne s’alimentent pas. Que la débacle survienne trop tôt et elles renonceront à s’accoupler, faute de réserves énergétiques suffisantes. Que le regel intervienne trop tard et elles ne pourront ni chasser, ni se nourrir, ni alimenter les oursons.
Disparaître ou s’adapter ? En réalité, il n’y a pas d’alternative, soulignent les chercheurs. « Une espèce n’est pas comme un individu, insiste Stephen Hamilton. Il lui faut le temps nécessaire à la transmission de nouveaux traits génétiques. Là, le changement qui s’annonce est beaucoup trop brutal. » Le sud de la Suède est là pour le rappeler : lors du dernier âge glaciaire, des ours polaires y vivaient encore sur les bords de la Baltique. Avec le réchauffement, cette population a dû mettre cap au nord.
Source © Le Monde
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