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mardi 3 novembre 2015
09:21
Des écarts de 110% dans un premier temps, puis de 50% par rapport aux émissions polluantes légales, sont désormais officiellement autorisés pour les véhicules diesel.
L'Union européenne a relevé mercredi dernier les seuils d'émission de gaz polluant pour les moteurs diesel dans les nouvelles procédures de tests en condition de conduite réelle qui seront mises en place à partir de 2017
Quelques semaines après le scandale Volkswagen et juste avant l'ouverture de la COP21 - la grande conférence sur le climat qui s'ouvre à Paris fin novembre 2015 - la décision de l'Union Européenne fait grincer des dents.
Dans un communiqué qui "se félicite de l’accord des États membres sur des contrôles rigoureux de la pollution atmosphérique générée par les émissions des véhicules" (sic) la commission explique qu'elle donne trois ans aux constructeurs automobiles pour que les émissions de leurs véhicules sur route (c'est-à-dire en conditions réelles d'utilisation) soient conformes aux émissions mesurées lors des tests en laboratoire. Cet écart entre émissions polluantes réelles et celles annoncées par le constructeur a été mis sous les feux des projecteurs lorsqu'a éclaté l'affaire de fraude aux tests antipollution en septembre 2015. L'Agence environnementale américaine (EPA) avait alors révélé que le constructeur Volkswagen utilisait un logiciel qui activait les équipements antipollution lors des mesures sur banc de test et les mettait hors service lors de conduite sur route afin d'améliorer les performances du véhicule.
Mais il n'est pas forcément besoin d'un tel logiciel fraudeur pour observer des écarts entre les émissions en laboratoire, et celles constatées lors d'une conduite en conditions réelles. "Allègement maximal du véhicule, utilisation d'un revêtement qui ne ressemble pas à une route, déconnexion de l'alternateur... Tout est fait dans les tests pour obtenir les résultats les plus déconnectés possibles de la réalité", s'insurge le député européen écologiste Yannick Jadot. "Qu'il s'agisse des émissions de NOx (oxyde d'azote NDLR) ou de CO2, on constate ces dernières années une augmentation du fossé entre les mesures en laboratoires et celles effectuées en conditions réelles", poursuit-il. Résultat : les véhicules roulant au diesel seraient en moyenne cinq fois plus polluants que ce que les normes européennes autorisent, affirme l'ONG Transport & Environment.
De nouveaux tests en conditions réelles
Pour mettre fin à ces pratiques, la commission a avalisé la mise en place (votée au printemps) de tests d'émission en condition de conduite réelle (ECR) dès janvier 2016. "Les émissions de polluants seront mesurées par des systèmes portables de mesure des émissions (PEMS) qui seront fixés au véhicule", rappelle le texte. Mais c'est là qu'est le hic. Le texte ne dit pas que les tests sur routes doivent être en conformité avec ceux effectués en laboratoire. Il définit les écarts acceptables entre les deux types de mesure, ainsi qu'en calendrier visant à le réduire. En effet, le texte voté par la Commission prévoit "une réduction en deux étapes".
Dans un premier temps, les écarts entre émissions théoriques et émissions réelles devra n'être "que" de 110% (soit un facteur de conformité à 2,1 au maximum). Autrement dit, une voiture qui rejette 80 milligrammes d'oxyde d'azote (NOx) par kilomètre (norme Euro 6) durant son test sur banc pourra en rejeter jusqu'à 168 mg/km en utilisation normale. Cette mesure concerne les nouveaux modèles à partir du 1er septembre 2017 (septembre 2019 pour les nouveaux véhicules). "Puis, dans un deuxième temps, cet écart sera ramené à un facteur de 1,5 (50 %)", précise le texte, d’ici janvier 2020 pour tous les nouveaux modèles (janvier 2021 pour tous les nouveaux véhicules). Une voiture respectant officiellement la norme Euro 6 (officiellement 80 mg de NOx par kilomètre) pourra alors tout de même en rejeter 120 mg/km.
Quand ils le souhaitent, les constructeurs parviennent à se plier à des règlementations plus contraignantes
"C'est un peu comme si vous donniez le droit de rouler à 100 km/h, mais tout en laissant les panneaux de limitation de vitesse à 50 km/h", affirme Yannick Jadot. Pour justifier cette décision, la commission avance l'existence de "limites techniques à la possibilité d’améliorer à court terme les niveaux d’émissions réels sur les véhicules diesel actuellement produits." Une analyse que partage l'Association des constructeurs européens (ACEA) qui, dans un communiqué, qualifie le texte de "compromis difficile", et qui précise "qu'il sera extrêmement difficile pour les constructeurs automobiles d'atteindre cet objectif dans un laps de temps aussi court".
"Cela fait huit ans que cette norme a été adoptée (été 2007 NDLR) conteste Yannick Jadot. Il n'y a en cela aucune surprise pour les constructeurs. D'autant plus qu'on voit que quand ils le souhaitent, ils parviennent à se plier aux règlementations américaines, qui sont pourtant bien plus strictes que celles imposées en Europe (45 mg de NOx par kilomètre)", vitupère le député qui accuse : "la décision de la commission a été prise en parfaite collusion avec les États qui ont choisi de ne pas respecter cette norme. La tromperie a été avalisée et ceux qui ont triché sont récompensés." Le groupe EELV entend contester cette décision au parlement européen. "On a une petite chance, car le scandale est en train d'émerger partout".
La ministre de l'Ecologie a assuré vendredi que la décision prise mercredi par un comité technique de l'Union européenne d'assouplir les seuils d'émissions polluantes des véhicules serait réexaminée par les ministres des Vingt-Huit et le Parlement européen.
Rétropédalage ou simple mise au point ? Mercredi à Bruxelles, des experts nationaux se sont mis d'accord pour mettre en oeuvre de nouvelles procédures de contrôle qui permettront aux véhicules, essentiellement ceux qui roulent au diesel, d'émettre plus de deux fois plus d'oxyde d'azote que la limite prévue et les Etats européens, dont la France, ont revu à la baisse les ambitions des futurs tests d'homologation qu'ils appliqueront à partir de 2017. "Cette décision a été prise par un comité technique et je considère que des décisions de cette importance doivent être prises au niveau politique", a assuré vendredi sur RTL la ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, Ségolène Royal.
"Nous allons la revoir au niveau ministériel d'une part (...) et deuxièmement cette décision va passer devant le Parlement européen", a-t-elle précisé avant d'ajouter : "Les décisions trop complexes qui ne sont pas comprises par les citoyens sont des décisions qui sont mal faites" (voir la vidéo ci-dessous).
"Pour être juste à l'égard de la Commission européenne", a toutefois nuancé la ministre, le compromis trouvé par le comité technique pour les véhicules à moteur (CTVM) constitue en partie un progrès. "La Commission européenne a décidé que désormais les tests de contrôle sur les voitures devaient être faits en condition normale de conduite et pas dans des conditions artificielles. (...) Ça va dans la bonne direction".
L'accord de mercredi a soulevé la controverse, d'autant qu'il intervient peu après le déclenchement du scandale Volkswagen -- le constructeur allemand a reconnu avoir manipulé les tests sur les émissions de gaz polluants.
Source © AFP
L'Union européenne a relevé mercredi dernier les seuils d'émission de gaz polluant pour les moteurs diesel dans les nouvelles procédures de tests en condition de conduite réelle qui seront mises en place à partir de 2017
Quelques semaines après le scandale Volkswagen et juste avant l'ouverture de la COP21 - la grande conférence sur le climat qui s'ouvre à Paris fin novembre 2015 - la décision de l'Union Européenne fait grincer des dents.
Dans un communiqué qui "se félicite de l’accord des États membres sur des contrôles rigoureux de la pollution atmosphérique générée par les émissions des véhicules" (sic) la commission explique qu'elle donne trois ans aux constructeurs automobiles pour que les émissions de leurs véhicules sur route (c'est-à-dire en conditions réelles d'utilisation) soient conformes aux émissions mesurées lors des tests en laboratoire. Cet écart entre émissions polluantes réelles et celles annoncées par le constructeur a été mis sous les feux des projecteurs lorsqu'a éclaté l'affaire de fraude aux tests antipollution en septembre 2015. L'Agence environnementale américaine (EPA) avait alors révélé que le constructeur Volkswagen utilisait un logiciel qui activait les équipements antipollution lors des mesures sur banc de test et les mettait hors service lors de conduite sur route afin d'améliorer les performances du véhicule.
Mais il n'est pas forcément besoin d'un tel logiciel fraudeur pour observer des écarts entre les émissions en laboratoire, et celles constatées lors d'une conduite en conditions réelles. "Allègement maximal du véhicule, utilisation d'un revêtement qui ne ressemble pas à une route, déconnexion de l'alternateur... Tout est fait dans les tests pour obtenir les résultats les plus déconnectés possibles de la réalité", s'insurge le député européen écologiste Yannick Jadot. "Qu'il s'agisse des émissions de NOx (oxyde d'azote NDLR) ou de CO2, on constate ces dernières années une augmentation du fossé entre les mesures en laboratoires et celles effectuées en conditions réelles", poursuit-il. Résultat : les véhicules roulant au diesel seraient en moyenne cinq fois plus polluants que ce que les normes européennes autorisent, affirme l'ONG Transport & Environment.
De nouveaux tests en conditions réelles
Pour mettre fin à ces pratiques, la commission a avalisé la mise en place (votée au printemps) de tests d'émission en condition de conduite réelle (ECR) dès janvier 2016. "Les émissions de polluants seront mesurées par des systèmes portables de mesure des émissions (PEMS) qui seront fixés au véhicule", rappelle le texte. Mais c'est là qu'est le hic. Le texte ne dit pas que les tests sur routes doivent être en conformité avec ceux effectués en laboratoire. Il définit les écarts acceptables entre les deux types de mesure, ainsi qu'en calendrier visant à le réduire. En effet, le texte voté par la Commission prévoit "une réduction en deux étapes".
Dans un premier temps, les écarts entre émissions théoriques et émissions réelles devra n'être "que" de 110% (soit un facteur de conformité à 2,1 au maximum). Autrement dit, une voiture qui rejette 80 milligrammes d'oxyde d'azote (NOx) par kilomètre (norme Euro 6) durant son test sur banc pourra en rejeter jusqu'à 168 mg/km en utilisation normale. Cette mesure concerne les nouveaux modèles à partir du 1er septembre 2017 (septembre 2019 pour les nouveaux véhicules). "Puis, dans un deuxième temps, cet écart sera ramené à un facteur de 1,5 (50 %)", précise le texte, d’ici janvier 2020 pour tous les nouveaux modèles (janvier 2021 pour tous les nouveaux véhicules). Une voiture respectant officiellement la norme Euro 6 (officiellement 80 mg de NOx par kilomètre) pourra alors tout de même en rejeter 120 mg/km.
Quand ils le souhaitent, les constructeurs parviennent à se plier à des règlementations plus contraignantes
"C'est un peu comme si vous donniez le droit de rouler à 100 km/h, mais tout en laissant les panneaux de limitation de vitesse à 50 km/h", affirme Yannick Jadot. Pour justifier cette décision, la commission avance l'existence de "limites techniques à la possibilité d’améliorer à court terme les niveaux d’émissions réels sur les véhicules diesel actuellement produits." Une analyse que partage l'Association des constructeurs européens (ACEA) qui, dans un communiqué, qualifie le texte de "compromis difficile", et qui précise "qu'il sera extrêmement difficile pour les constructeurs automobiles d'atteindre cet objectif dans un laps de temps aussi court".
"Cela fait huit ans que cette norme a été adoptée (été 2007 NDLR) conteste Yannick Jadot. Il n'y a en cela aucune surprise pour les constructeurs. D'autant plus qu'on voit que quand ils le souhaitent, ils parviennent à se plier aux règlementations américaines, qui sont pourtant bien plus strictes que celles imposées en Europe (45 mg de NOx par kilomètre)", vitupère le député qui accuse : "la décision de la commission a été prise en parfaite collusion avec les États qui ont choisi de ne pas respecter cette norme. La tromperie a été avalisée et ceux qui ont triché sont récompensés." Le groupe EELV entend contester cette décision au parlement européen. "On a une petite chance, car le scandale est en train d'émerger partout".
La ministre de l'Ecologie a assuré vendredi que la décision prise mercredi par un comité technique de l'Union européenne d'assouplir les seuils d'émissions polluantes des véhicules serait réexaminée par les ministres des Vingt-Huit et le Parlement européen.
Rétropédalage ou simple mise au point ? Mercredi à Bruxelles, des experts nationaux se sont mis d'accord pour mettre en oeuvre de nouvelles procédures de contrôle qui permettront aux véhicules, essentiellement ceux qui roulent au diesel, d'émettre plus de deux fois plus d'oxyde d'azote que la limite prévue et les Etats européens, dont la France, ont revu à la baisse les ambitions des futurs tests d'homologation qu'ils appliqueront à partir de 2017. "Cette décision a été prise par un comité technique et je considère que des décisions de cette importance doivent être prises au niveau politique", a assuré vendredi sur RTL la ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, Ségolène Royal.
"Nous allons la revoir au niveau ministériel d'une part (...) et deuxièmement cette décision va passer devant le Parlement européen", a-t-elle précisé avant d'ajouter : "Les décisions trop complexes qui ne sont pas comprises par les citoyens sont des décisions qui sont mal faites" (voir la vidéo ci-dessous).
"Pour être juste à l'égard de la Commission européenne", a toutefois nuancé la ministre, le compromis trouvé par le comité technique pour les véhicules à moteur (CTVM) constitue en partie un progrès. "La Commission européenne a décidé que désormais les tests de contrôle sur les voitures devaient être faits en condition normale de conduite et pas dans des conditions artificielles. (...) Ça va dans la bonne direction".
L'accord de mercredi a soulevé la controverse, d'autant qu'il intervient peu après le déclenchement du scandale Volkswagen -- le constructeur allemand a reconnu avoir manipulé les tests sur les émissions de gaz polluants.
Source © AFP
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