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jeudi 8 mars 2012
11:13
La montée en puissance du gaz de schiste menace très sérieusement le climat. C'est une étude publiée le 21 février dans Journal of Geophysical Research et présentée par la revue Nature qui l'affirme.
Le coup est dur pour GDF-Suez et les autres trusts gaziers qui proclament : le gaz serait une énergie "propre". Du moins, plus propre que le charbon, avec lequel il est en concurrence frontale pour un usage massif, la génération d'électricité.
Massif puisque 40% de l'électricité mondiale vient du charbon, et 20% du gaz. Cette caractéristique serait liée à une moindre émission de gaz carbonique, gaz à effet de serre, lors de la combustion dans les centrales, pour une même quantité d'électricité produite.
Certes, rétorque, désormais cette étude réalisée par une équipe de 27 géoscientifiques dirigée par Gabrielle Pétron (Université de Boulder, NOAA), mais vous avez oublié l'émission de méthane provoquée par l'exploitation des gisements de gaz de schiste. Le méthane est un très puissant gaz à effet de serre. Calculé sur vingt ans, son pouvoir réchauffant vaut 62 fois celui du CO2 à nombre égal de molécules, et 20 fois sur cent ans (car il reste moins longtemps dans l'atmosphère).
Les fuites de méthane inéluctables en raison des techniques utilisées pour l'extraire ont longtemps été mystérieuses. Les géologues savaient que se produisent de fortes émissions lors du creusement des puits et de la fracturation des roches par injection sous forte pression d'eau, de sable et de produits chimiques. Durant près d'un mois, le méthane est ainsi rejetté à l'air. Mais qu'en était-il de l'exploitation normale, par la suite ?
La réponse vient des dispositifs de mesure en routine, fixe et mobile, des quantités de méthane dans l'air au-dessus d'un vaste champ de puits de gaz, près de Denver dans le Colorado, où les techniques de fracturation des roches ont été utilisées à large échelle, même s'il ne s'agissait pas nécessairement de gaz en formation géologique schisteuse, mais d'un grès peu perméable, en anglais "tight sand". Après une longue étude et analyse, elle publie ses résultats. Les conditions de l'observation font certes la place à des incertitudes importantes. Mais sa conclusion principale est que les estimations antérieures des émissions, faites par les industriels, sont très «sous-estimées» par rapport à la réalité mesurée sur le terrain. Le graphique ci-dessous compare les estimations des industriels (en vert) et les mesures de la tour fixe et du laboratoire mobile des scientifiques, (bleu et rouge). Il faudrait doubler l'estimation initiale des industriels, voire pire.
Il faut noter que cette mesure est une surprise et un résultat non recherché par les scientifiques. Au départ, la motivation de ces études était de mesurer les pollutions néfastes pour la santé des habitants des villes proches et non de mesurer l'effet de serre de l'exploitation des gisements de gaz de schiste. Au point que les premières mesures de méthane à 300 mètres d'altitude, par la tour fixe , en 2007, avaient été attribué à un transport par les vents. D'où la décision de les compléter par des mesures près du sol avec un laboratoire mobile.
Les observations conduites sur le champ gazier du Colorado ne sont pas nécessairement transposables à tous les champs actuels et futur. Les taux de fuites vont en effet dépendre de la nature du sous-sol et des conditions d'exploitation. Il faut donc désormais réaliser des études similaires dans d'autres régions pour balayer les différents cas de figure. Mais il n'y a aucune raison de penser que le champ gazier étudié par l'équipe de Gabrielle Pétron est particulièrement émissif.
L'expansion à très grande échelle de l'exploitation des gaz de schiste, le nouvel eldorado des gaziers baptisé aussi "nouvel âge d'or" par l'Agence internationale de l'énergie, se traduirait donc par de fortes émissions de méthane en exploitation - environ 4% du gaz extrait - au point que son bilan climatique total incluant les fuites dans les systèmes de transport pourrait être aussi mauvais que celui du charbon. Aux Etats-Unis, le gaz de schiste représente déjà près de cent milliards de m3 sur 600 milliards de m3 de gaz extraits.
L'analyse de la revue Nature est ici.
source © Libération
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Le coup est dur pour GDF-Suez et les autres trusts gaziers qui proclament : le gaz serait une énergie "propre". Du moins, plus propre que le charbon, avec lequel il est en concurrence frontale pour un usage massif, la génération d'électricité.
Massif puisque 40% de l'électricité mondiale vient du charbon, et 20% du gaz. Cette caractéristique serait liée à une moindre émission de gaz carbonique, gaz à effet de serre, lors de la combustion dans les centrales, pour une même quantité d'électricité produite.
Certes, rétorque, désormais cette étude réalisée par une équipe de 27 géoscientifiques dirigée par Gabrielle Pétron (Université de Boulder, NOAA), mais vous avez oublié l'émission de méthane provoquée par l'exploitation des gisements de gaz de schiste. Le méthane est un très puissant gaz à effet de serre. Calculé sur vingt ans, son pouvoir réchauffant vaut 62 fois celui du CO2 à nombre égal de molécules, et 20 fois sur cent ans (car il reste moins longtemps dans l'atmosphère).
Les fuites de méthane inéluctables en raison des techniques utilisées pour l'extraire ont longtemps été mystérieuses. Les géologues savaient que se produisent de fortes émissions lors du creusement des puits et de la fracturation des roches par injection sous forte pression d'eau, de sable et de produits chimiques. Durant près d'un mois, le méthane est ainsi rejetté à l'air. Mais qu'en était-il de l'exploitation normale, par la suite ?
La réponse vient des dispositifs de mesure en routine, fixe et mobile, des quantités de méthane dans l'air au-dessus d'un vaste champ de puits de gaz, près de Denver dans le Colorado, où les techniques de fracturation des roches ont été utilisées à large échelle, même s'il ne s'agissait pas nécessairement de gaz en formation géologique schisteuse, mais d'un grès peu perméable, en anglais "tight sand". Après une longue étude et analyse, elle publie ses résultats. Les conditions de l'observation font certes la place à des incertitudes importantes. Mais sa conclusion principale est que les estimations antérieures des émissions, faites par les industriels, sont très «sous-estimées» par rapport à la réalité mesurée sur le terrain. Le graphique ci-dessous compare les estimations des industriels (en vert) et les mesures de la tour fixe et du laboratoire mobile des scientifiques, (bleu et rouge). Il faudrait doubler l'estimation initiale des industriels, voire pire.
Il faut noter que cette mesure est une surprise et un résultat non recherché par les scientifiques. Au départ, la motivation de ces études était de mesurer les pollutions néfastes pour la santé des habitants des villes proches et non de mesurer l'effet de serre de l'exploitation des gisements de gaz de schiste. Au point que les premières mesures de méthane à 300 mètres d'altitude, par la tour fixe , en 2007, avaient été attribué à un transport par les vents. D'où la décision de les compléter par des mesures près du sol avec un laboratoire mobile.
Les observations conduites sur le champ gazier du Colorado ne sont pas nécessairement transposables à tous les champs actuels et futur. Les taux de fuites vont en effet dépendre de la nature du sous-sol et des conditions d'exploitation. Il faut donc désormais réaliser des études similaires dans d'autres régions pour balayer les différents cas de figure. Mais il n'y a aucune raison de penser que le champ gazier étudié par l'équipe de Gabrielle Pétron est particulièrement émissif.
L'expansion à très grande échelle de l'exploitation des gaz de schiste, le nouvel eldorado des gaziers baptisé aussi "nouvel âge d'or" par l'Agence internationale de l'énergie, se traduirait donc par de fortes émissions de méthane en exploitation - environ 4% du gaz extrait - au point que son bilan climatique total incluant les fuites dans les systèmes de transport pourrait être aussi mauvais que celui du charbon. Aux Etats-Unis, le gaz de schiste représente déjà près de cent milliards de m3 sur 600 milliards de m3 de gaz extraits.
L'analyse de la revue Nature est ici.
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